Le vrai nom des Berbères

 


Il est cependant un autre ethnique largement répandu à travers tous les pays berbères et que l’extension même et son application à la toponymie permettent de considérer comme le véritable nom du peuple berbère... Il s’agit de la racine MZG ou MZK qui se retrouve aussi bien dans les noms des Mazices de l’époque romaine que les Maxyes d’Hérodote, les Mazyes d’Hécatée et les Meshwesh des inscriptions égyptiennes.

Les Imushagh (= Imouchar) de l’ouest de Fezzan, les Imagighen de l’Aïr, les Imazighen de l’Aurès (Algérie), du Rif (Maroc) et du Haut Atlas conservent ce nom, et le tamachek est la langue des Touaregs, qui se nomment eux-mêmes Imuhagh (…). Il est certain qu’en Afrique du Nord cet ethnique a eu une extension considérable à l’époque antique ; les inscriptions et textes donnent les formes suivantes, dont l’orthographe n’est pas toujours sûre : Mazyes, Maxyes, Mazices, Madices, Mazicei, Mazacenses, Mazazenes.

On pourrait ajouter à cette liste les nombreux Mazic et Mazica que font connaître les inscriptions funéraires. L’application du terme Mazices par les auteurs à des populations différentes, les uns nomades, les autres montagnardes, à des époques diverses et dans des régions très éloignées les uns des autres, montre bien qu’il s’agit d’un nom indigène ayant une acception générale.

Origine et signification du nom amazigh

L’origine du nom amazigh (pluriel : imazighen) a suscité, comme tout ce qui est berbère, quelques controverses. Traditionnellement, on voit dans ce qualificatif le sens de "noble", "libre", un équivalent du terme "franc" dont se paraient les Germains qui donnèrent leur nom [au peuple français]. Cette traduction avait été accréditée par S. Gell, qui s’appuyait sur un texte de Jean Léon l’Africain qui traduisait ainsi le nom des Mazices.

Une autre tentative, celle de T. Samelli, rattache ce nom à une racine ZWG : être rouge. Si cette racine permet d’expliquer le nom des Zauekes, qui habitaient la Tunisie à une très haute Antiquité, puisqu’ils sont cités par Hérodote, et celui des Izaggaren du Hogar, il est impossible selon K. G. Prasse d’opérer ce rapprochement entre cette racine et le nom des Imazighen, cela pour des raisons tant phonétiques que morphologiques.

Pour Ch. de Foucauld, le terme touareg amaheg (pluriel : imouhay) se rattacherait au verbe ahaa : piller. Amahey signifierait donc le "pillard", celui qui razzie, donc le guerrier, le noble, le franc. Malheureusement, cette explication traditionnelle ne cadre pas avec les données phonétiques, car dans les dialectes du Nord, le verbe correspondant à ahey devrait s’écrire awey, cela supposerait donc une forme amawy au lieu de amaziɣ, la seule attestée. Il est donc plus prudent de penser qu’amahey touareg est dû à la prononciation particulière des Berbères du Sud et que le nom amaziɣ se rattache (selon Salem Chaker) à une racine iziɣ qui a disparu sans laisser d’autre trace que cet ethnique.

Gabriel Camps, Les Berbères : mémoire et identité, p. 97-99. 

Qui est Gabriel Camps ?

Né en Algérie en 1927, décédé en 2002, Gabriel Camps a consacré sa vie à l'étude des Berbères. Professeur émérite à l'université de Provence, il a occupé de hautes fonctions scientifiques en Algérie et en France. Préhistorien et protohistorien, il était le plus grand spécialiste de l'histoire des Berbères et avait, à ce titre, créé l'Encyclopédie berbère.

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